samedi 9 février 2013

La grande fusion

     Il y a de l'eau qui goutte. Une cuillère frappe une tasse... Une cuillère remue le sucre qui se dissout dans la tasse, dans le thé bouillant. Tout se dissout, d'ailleurs, tout se désagrège, tout redevient liquide, ce liquide qui goutte. Le monde devient liquide et c'est la grande fusion de toutes choses. Les couleurs et les sons se mélangent, tableaux et symphonies. Mais, tout à coup : une vibration... c'est une plaque métallique qui ne veut pas fondre. Elle résiste : "S'il n'en reste qu'une..." Banal métal, stupide métal ; c'est dur et ça se croit fort. Vite, un alchimiste !
     L'alchimiste est venu. La plaque s'est transformée en or qui a fondu, doucement, et s'est écoulé dans le grand fleuve du monde. Depuis, ce fleuve scintille parfois. Il n'y a plus d'yeux pour le voir, mais il scintille et c'est bien ça l'essentiel. Jusqu'à quand coulera-t-il ? Jusqu'à quand scintillera-t-il ? Il n'y a personne pour le savoir : tant pis.
     La cuillère dans la tasse, qui remuait du sucre, c'était il y a longtemps, longtemps...
     Longtemps ? – Oui, mais maintenant ? Maintenant, juste à cette seconde, il me semble l'avoir entendue, cette cuillère dans la tasse. Comme au temps jadis, comme dans un temps révolu. Et puis on dirait que quelque part un oiseau s'exerce à pépier, on dirait que, dans une cheminée, un feu crépite. Et peu à peu toute chose et tout être réapparaît, mais pas comme au tout début du monde. Toutes les choses et tous les être réapparaissent dans leurs singularités mais en harmonie. Ils montent, ils montent et avec eux monte une extraordinaire symphonie. C'est beau, c'est au-delà des singularités et de la fusion de tous. On dirait que quelque chose d'invraisemblable, de tout à fait inattendu, se réalise. Regardons, écoutons. Silence...

Geneviève